Le Mondial du Chasselas

| 10 juillet 2014 | 0 commentaire

On doit sans doute aux américains la focalisation sur le cépage, avec la Célébration du Pinot Noir organisée chaque été en Oregon comme porte drapeau médiatique ! Une façon de damer le pion aux « Vieux pays viticoles » en ouvrant une nouvelle voie pour le vin, plus simple, plus marketing ! La culture européenne des vins de terroir n’a jamais mis en avant  le cépage, mais toujours le lieu… Et pourtant on a vu arriver en Europe le Mondial du Chardonnay, le Mondial du Sauvignon, le Mondial de la Syrah… et le Mondial du Chasselas, dernier venu dans la cour des grands cépages ! Faut-il le regretter, au faut-il s’en réjouir ? Quoi qu’on décide, c’est la réalité du vin aujourd’hui, et la vieille Europe ne doit pas s’endormir sur des lauriers viticoles de toutes façons sérieusement contestés…

Le cépage comme porte-drapeau moderne du vin
Avec la généralisation de la culture de la vigne sur la planète, même en contrées tropicales, avec deux récoltes par an, c’est le cépage qui est le plus souvent mis en avant. Plus précisément le cépage et la marque ! L’Amérique, avec sa terre d’élection vineuse, la Californie, a popularisé l’association du cépage et de la marque avec, comme toujours les exceptions qui confirment la règle. Ainsi les vins d’élite, dont Opus One et Dominus ont été les pionniers, affichent-ils simplement leur nom. L’amateur averti…, et fortuné, comme le nouveau riche, se les procurent comme marqueurs de réussite sociale, comme ils achètent Château Latour ou Château Margaux… Bien sûr, ces vins sont excellents et ne déçoivent jamais les palais exigeants !
Châteaux et marques sont ainsi synonymes, mais avec le développement considérable des grands vins de marque, en Californie, et dans tous les grands vignobles émergents, concurrents des grands Châteaux bordelais inscrits dans le marbre grâce au célèbre classement de 1855, le consommateur s’y perd.  Par ailleurs, côté grands vins de terroir, l’amateur averti n’achète plus aujourd’hui n’importe quel Chambertin ou Côte Rôtie, il achète le Chambertin de chez Trapet ou la Côte Rôtie de chez Jamet, par exemple ! Du coup, pour le nombre grandissant des amateurs et consommateurs, la notion de cépage est rassurante… On se focalise même de nos jours sur les cépages oubliés, une association leur est même consacrée en France, avec des rencontres annuelles qui connaissent un franc succès… Aux amateurs fortunés les stars des marques et des châteaux, et des vins de terroir des vignerons célèbres, vins rares et chers, aux autres une clé pour se retrouver dans l’océan des vins, les vins de cépages sélectionnés par les jurés des concours…

Un Mondial du Chasselas en Suisse
Alors pourquoi pas un Mondial du Chasselas ? C’est la Suisse qui en a eu l’idée, et c’est une belle idée et une grande réussite. On n’y trouvera pas, bien sûr, les vins des quelques stars qui produisent, aux côtés d’autres vins, des vins issus de ce cépage. On y déguste cependant une grande diversité de vins issus du chasselas : pas moins de 642 échantillons pour cette troisième édition en 2014, contre 638 l’an passé. Si la Suisse dominait en nombre de vins présentés, l’Allemagne, la France, le Luxembourg, et quelques autres, étaient également bien là.
Le berceau génétique de ce cépage se situe au carrefour entre l’Italie, la Suisse et la France. Au centre de ce carrefour, c’est dans le canton de Vaud que le cépage fut mentionné pour la première fois, en 1716, sous le nom de « fendant », ainsi appelé parce que ses baies fendent lorsqu’on les presse entre les doigts… En 1966, ce sont cependant les Valaisans qui obtinrent l’exclusivité de l’utilisation de ce nom d’origine vaudoise ! Grâce au Conservatoire Mondial du Chasselas à Riex (VD) on a pu conserver 19 types différents de ce cépage.

Le début du classement

Une dégustation remarquablement organisée
Réalisée au Palais des Congrès de Lausanne l’an passé, la deuxième édition du Mondial du Chasselas s’est déroulée à Froideville les 13 et 14 juin, avec 38 jurés suisses et 39 étrangers, dont 16 français, 12 allemands, 11 italiens, 2 canadiens… et un mexicain. Mise sous le patronage de l’Office International du Vin, elle était couplée cette année avec celle de l’Union Internationale des Œnologues (OIV), avec la présence de son président, Monsieur Dubois. Chaque table rassemblait 5 ou 6 jurés et était orchestrée par un œnologue. C’est la grille d’analyse de l’OIV qui était retenue pour l’évaluation des vins. On note ainsi sur 100 : la vue (limpidité et intensité) pour 15 points maximum, l’odorat (franchise, intensité des odeurs, qualité-complexité) pour 30 points maximum, le goût (franchise, intensité aromatique, persistance aromatique, qualité-complexité) pour 44 points maximum et le jugement global (harmonie) pour 11 points maximum. Avec 85 points et plus on a une médaille d’argent, avec 89 et plus une médaille d’or.

Les chiffres et les statistiques

Trois séries de 10 à 15 vins étaient proposées, de 9 heures à 13 heures avec une pause. Chaque membre évaluait les vins en son âme et conscience. Si toutefois une trop grande différence de cotation était repérée par le responsable de la table, on pouvait en discuter, si on frôlait la médaille également. Claude-Alain Mayor, le secrétaire général, assisté de quelques membres du bureau, veillait au bon déroulement des travaux… Résultats début juillet au Château d’Aigle !

Les dégustateur à Froideville le 13 juin (au premier plan, on reconnaît Jacky Rigaux)

Vins de cépages ou vins de lieu
Si le cépage est à l’honneur dans un tel jury, ce dernier ne doit pas effacer le lieu d’origine du vin. Sans doute conviendrait-il d’indiquer le vignoble d’origine aux membres du jury ? En effet, comme l’écrivit le grand dégustateur, Pierre Casamayor, « le cépage chasselas est une véritable éponge à terroir. » Et, comme le dit avec vigueur Léonard Humbrecht, un grand vigneron alsacien, « le cépage est le prénom du vin, le terroir est son nom de famille ». Le chasselas est donc un fabuleux traducteur et révélateur de terroir. Son nom s’éclipse dans le canton de Vaux pour laisser place aux appellations, comme il le fait à Pouilly pour  s’appeler « Pouilly sur Loire » !
C’est cette viticulture de lieu qu’il faut promouvoir, plutôt que le cépage, car le véritable amateur préfère au goût de cépage, (le même sur toute la planète, popularisé par les vins technologiques), le goût de lieu, singulier, d’une diversité infinie, quand les vins sont issus de bonnes pratiques viticoles !

Jacky Rigaux (article paru sur le blog de Jacques Perrin)

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