Voyage en Chasselasie (1)

| 16 mai 2018 | 0 commentaire
Les Chasselas d'Aigle

Photo: Philippe Demari

Chasselasie est un néologisme . Je soupçonne fort que Jacques Vivet en soit l’auteur. Il me semble cependant que son ami et complice Claude-Alain Mayor l’a validé, donc je l’utilise.Pour mémoire, Jacques Vivet est le fondateur d’une des meilleures et plus anciennes école de dégustation (elle vient de fêter ses trente ans).Pour information Claude-Alain Mayor est le secrétaire général du « Mondial du Chasselas », un concours créé en 2012 avec pour double ambition :

  • récompenser les meilleurs vins élaborés à partir de ce cépage, dans le monde ;
  • promouvoir ce cépage trop méconnu et injustement méprisé hors de sa terre d’élection qu’est l’arc lémanique.

Le chasselas est un cépage très ancien auquel on a attribué bien des origines. Le Docteur José Vouillamoz, généticien et professeur à l’Université de Neuchâtel l’estime originaire de l’arc lémanique et se refuse à être plus précis. Mais on le trouve un peu partout dans le monde, en Alsace et en Allemagne, sous le nom de Gutedel, en Corse sous le nom de pinzutella. Dans le Valais suisse, il prend le nom de fendant, nom qui proviendrait de la facilité à fendre les pépins sous la pression des doigts. En France, on le trouve en Savoie et sur l’appellation « Pouilly-sur-Loire ».Mais il faut bien dire qu’ailleurs qu’en Suisse, il est devenu confidentiel comme raisin de cuve alors qu’à l’instar de celui de Moissac, il est très présent dans les corbeilles de fruits à la fin de l’été et au début de l’automne. Jacques Vivet a donc réuni une dizaine de ses élèves (amateurs éclairés ou professionnels) pour aller constater sur place la diversité et la qualité des vins élaborés à partir du chasselas. Comme souvent ce qui importe c’est le terroir, c’est à-dire la rencontre d’un sol, d’un ciel et de travailleurs consciencieux et passionnés.Claude-Alain Mayor a organisé les deux journées et demie de travail avec une précision millimétrique, créant avec talent une atmosphère studieuse et conviviale.Première étape en Chasselasie : Aigle.Aigle, à 415 m d’altitude se situe dans le Chablais vaudois. La première visite sera pour la cave Emery dans le quartier du Cloître.Le domaine existe depuis 1883. C’est un domaine familial de 5 hectares qu’Alain Emery a repris en 2007. Son frère l’a rejoint en 2012. Trois des cinq hectares sont consacrés au chasselas.C’est Alain qui nous reçoit. On commence par visiter la cave et ses vases de bois (entendre foudres) où sont vinifiés et élevés la plupart des vins.On en profite pour goûter le 2017 qui sera mis en bouteilles prochainement.Puis on passe autour de la table. Avec un enthousiasme communicatif Alain Emery nous explique sa philosophie du chasselas. Il joue cartes sur table, sans volonté de séduire à tout prix. C’est avec sincérité et franchise qu’il répond à nos questions.Les rendements ? Ici, on compte en grammes par mètre-carré, mais on sait faire la conversion en hectolitres par hectare. Le chasselas est un cépage productif. Il ne faut pas trop le brider, au risque de lui faire perdre ses vertus. Lorsque la météo le permet, on approche les 100 hl/ha.L’amertume que certains ont perçue sur le 2017 ? Un travail d’œnologue permettra de l’atténuer, si elle persiste.Les sucres résiduels ? Insignifiants. Selon les années cela varie entre 0,3 et 0,8 g/l.On goûte le 2016, frais avec une finale saline très typique du cépage.Le 2015 qui n’a pas fait sa malo, a une belle acidité rafraîchissante et apéritive.Le 2004 (qui a dit que le chasselas ne vieillissait pas ?) a beaucoup de concentration, il est long et sapide.Comme on ne va pas en rester là, on goûte quelques rouges du domaine :

  • La cuvée Richelieu 2016, un pinot noir rond et gourmand.
  • La cuvée Pierre de Lune 2016, un assemblage de gamaret et de garanoir, élevé en barriques, superbe.
  • La même en 2017, très potentielle.
  • Entre temps on sera passé par la cuvée « Perles de Soleil » 2015, un mi-doux, assemblage de chasselas (85 %) et de sauvignon.

Après avoir chaleureusement remercié Alain Emery, le groupe part reprendre des forces au restaurant. C’est d’autant plus nécessaire que Claude-Alain a prévu un « homework ».Nous commençons par deux chasselas allemands au caractère très boisé. Puis suivent quatre quilles d’un très haut niveau :

  • Un Dézaley 2009 de Jean-François Chevalley (domaine de la Chenalettaz)
  • Un Mont-sur-Rolle 2002 du domaine de Autecour
  • Un Yvorne 2002 du Clos du Rocher
  • Un Dézaley 1999, cuvée « Chemin de Fer » de Luc Massy.

Qui a dit que le chasselas ne vieillissait pas ?

Premier chapitre du Voyage en Chasselasie de Philippe Demari du blog Dire le Vin

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