Voyage en Chasselasie (2)

| 17 mai 2018 | 0 commentaire

Demain est un autre jour : le 8 mai. En route pour Founex (sur l’appellation “La Côte”), à un jet de pierre de Genève. Nous allons chez les frères Dutruy qui nous accueillent tour à tour. Car en ce jour (non férié en Suisse), c’est mise en bouteilles et la chaîne tourne à plein régime. Malgré cette grosse journée de travail en perspective, Christian puis Julien (les deux frères) prendront le temps de nous expliquer la philosophie de leur travail et de nous en faire tester les fruits. Le domaine est familial, il fête ses cent ans cette année. Pendant longtemps les raisins ont été vendus, la mise en bouteilles au domaine commençant dans les années 80. Les deux frères prennent le relais de leurs parents en 2006. S’ils travaillent en étroite collaboration, chacun est spécialisé dans une tâche bien précise. Christian est le pépiniériste. Car le domaine c’est aussi une importante pépinière viticole, Christian y produisant un matériel végétal de qualité pour le domaine et pour ses collègues vignerons. Julien c’est le « winemaker », il est titulaire du Diplôme National d’Oenologie de l’Université de Bordeaux.
Le domaine s’étend sur 26 hectares. Le vin s’élaborait traditionnellement au centre de la commune de Founex. Trop à l’étroit, les deux frères ont conçu un nouveau chai qui est sorti de terre, il y a peu. C’est ultramoderne et cela permet notamment aux raisins qui viennent d’être vendangés d’arriver dans un état optimum.Le domaine est en conversion biologique depuis deux ans. On sent dans les propos des deux hommes une volonté de respecter la nature, dans tous les aspects de leur travail. Le domaine produit 180 000 bouteilles. Les sols sont argilo-calcaires sur les coteaux, alluvionnaires et graveleux en plaine.

Cave des Frères Dutruy à Founex

Les Frères Dutruy
Photo: Les Frères Dutruy

Il est maintenant temps de passer à la dégustation. Le chasselas c’est 15 à 20 % de la production du domaine. Nous goûtons la cuvée spéciale en 2017. Elle a été mise en bouteilles récemment. Les raisins proviennent d’une parcelle située à 100 mètres au-dessus du lac sur des sols calcaires avec des bans de mollasses gréseuses. Les vignes ont 42 ans d’âge moyen et sont plantées en haute densité (10 000 pieds/hectare). Le rendement n’est que de 65 hl/ha. C’est frais, avec une belle acidité et on retrouve cette finale saline et salivante assez typique : de la belle ouvrage.
Nous goûtons ensuite un pinot gris 2017, gras, tendu et long. Pas un poil de sucres résiduels, pas de fermentation malo-lactique. Ce n’est pas du chasselas, mais c’est tout aussi bien fait.
Le sauvignon blanc 2017 (pas de malo non plus) très variétal au nez, ne renie pas le caillou dont il est issu.
Le rosé de pinot noir 2017, assemblage de rosés de pressée et de saignée est une spécialité de la maison (20 % de la production) ; il devrait apaiser bien des soifs cet été.
Le gamay 2017 issu de vignes âgées de 35 ans en moyenne est gouleyant.
Le domaine produit une gamme de vins dénommée « Les Romaines » en référence aux trois colonnes romaines de Nyon (plutôt deux et demi).
Nous y goûtons un assemblage (2016) de gamaret (60 %), de garanoir (20 %) et de pinot noir. C’est un vin riche, encore un peu marqué par l’élevage de 12 mois en barriques, mais avec un superbe potentiel.
Enfin, nous terminons par un gamay vielles vignes 2016, toujours dans la même gamme. Les vignes ont 55 ans, les rendements sont faibles (30 hl/ha), c’est élevé 16 mois en fûts (dont 20 % de neufs), il n’y a pas de sulfitage, mais par-dessus tout, c’est excellent.
La chaîne de mise en bouteilles fonctionne toujours, il est temps de laisser les deux frères retourner à leur travail, non sans leur avoir offert une salve d’applaudissements.
Quant aux dégustateurs, ils iront reconstituer leur force de travail en déjeunant. Le repas sera accompagné d’un vin de Pierre Bouvier (Château Le Rosey 2016) issu du cépage charmont Ce cépage a vu le jour en 1965. Il résulte de la fécondation du chasselas par du pollen de chardonnay.
Et un chasselas, bien sûr, celui du château de Vinzel en 2016.
Pas le temps de digérer, on fonce à Rivaz.

Deuxième chapitre du Voyage en Chasselasie de Philippe Demari du blog Dire le Vin

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Category: Le Chasselas, Le Chasselas aujourd'hui

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